Une fiche de personnage

L'univers n'aime pas le vide et c'est pour cela qu'il cherche constamment à le combler. Mais il a besoin de plusieurs éléments essentiels, tout aussi essentiel que le sel du cuisinier ou la scie du bucheron. On ne fait pas de bon boulot sans bons outils !

Quelque part dans le monde, une pensée fut exprimée :

Elle admirait toujours l’ingéniosité humaine, une chose qui était propre à eux et qu’aucun dieu ne pouvait revendiquer pleinement. Ils pouvaient se dire dieu de ceci ou de cela mais pas dieu du cerveau humain. Et il avait fallut un cerveau humain pour inventer une machine aussi dangereuse tout en étant jouissive. D’ailleurs, elle imaginait mal un dieu de la moto. Quels auraient pût être ses préceptes ? ‘roule plus vite’ et ‘sois moins prudent’ ?

L'univers s'en empara. Il avait là une inspiration parfaite pour ce qu'il comptait faire. Mais il manquait encore plusieurs choses pour arriver à ses fins.


~ * ~


Avec l'Utopia d'Hadès, bien des choses moururent. Pour l'idéal du dieu des enfers, beaucoup fut sacrifié. Et la nature, prise dans un hiver perpétuel, n'en était que le reflet physique le plus évident.
D'autre choses moururent, d'autres choses qui étaient plus subtile, qui ne se laissait pas observer à l’œil nu. Lorsqu'Utopia se déchaina, les espoirs des hommes disparurent. Pour eux c'était l'apocalypse, la fin. Que peut on espérer alors ? Le promeneur lorsqu'il se perd dans une voie sans issue peut faire demi tour, mais le soucis c'est que dans notre cas, l'humanité ne pouvait pas dire au temps de faire de même. Ils approchaient du mur d'une manière inéluctable.
Et sans espoir les rêves moururent eux aussi, car espoir et rêve ne sont que les deux faces d'une même pièce et ne peuvent exister l'un sans l'autre.


Sauf que parfois, un miracle peut arriver. Bon, celui ci n'avait pas vraiment l'air d'un miracle, ou alors d'un miracle déguisé avec des fausses moustaches et un chapeau en feutre. Pourtant c'en était bel et bien un :
Lorsque Chronos réapparut et créa ses portails temporel, le temps comme pris d'ivresse sema joyeusement tout un tas d'anachronismes dans le monde. Ici et là réapparurent des lieux tous droit sorti de la mythologie. De toutes les mythologies ! Et avec eux, tout un cortège de monstres et créatures : Licornes, Dragons, Sirènes et autre Griffons ! Bien sûr le monde devint plus dangereux, car on a rarement entendu parler de l'histoire du troll qui, croisant une jeune bergère, l'invite poliment à prendre le thé dans sa grotte. Ou alors il s'agit d'un troll remarquablement poli et délicat. Mais dans le même temps le monde gris et terne des hommes, gouvernés par la science et l'appât du gain y gagna quelque chose de bien plus grand : du merveilleux.

Quelque part dans la vieille Bretagne, un homme croisa une fée au plus noir d'une nuit d'hiver, dans une forêt inquiétante et étrange. Et il retrouva son chemin grâce à elle. A son retour chez lui, l'homme avait des étoiles dans les yeux et une sensation de chaleur ne quittait plus son cœur.

En chine, une famille vit un dragon survoler leur maison, crachant des flammes jaunes. Trop émerveillée pour avoir peur, il restèrent dehors, bouches bées en regardant le merveilleux animal. Ils se pincèrent, mais aucun d'eux ne se réveilla et le dragon fini par disparaître par delà une montagne.

Pendant ce temps là à Rhode, les habitants découvrir un beau matin avec stupeur... Qu'à nouveau, un colosse de bronze veillait sur eux, gigantesque et intimidant. Et des cris de joies fusèrent car comment ne pas être fier d'un aussi bel ouvrage ? Les égyptiens n'étaient désormais plus les seuls à avoir une merveille encore intacte !

Mais la folie de Chronos ramena aussi Avalon, Brocéliande, elle ramena Hécate, déesse de la magie et sa fille, Kama. Ramenant un peu plus de magie encore dans ce monde qui en avait bien besoin. Sans le savoir, Kama serait le phare, la balise grâce à laquelle le vide serait comblé.

Et alors les hommes se remirent à rêver. Comment encore nier l'existence d'une Licorne lorsque, éveillé, vous la voyez manger de l'herbe devant vos yeux sur la pelouse devant chez soit ? Les adultes redevinrent des enfants capables de rêver à des choses incroyables. De nouveau, l'espoir faisait battre leur cœur. Ils ne rêvaient plus de petits rêves : avoir de l'argent, une belle maison et un chien qu'on appellerait Médore. Enfin pour être exact, ils y rêvaient encore, mais ils rêvaient aussi à d'autres choses. Tel homme chevauchait une licorne, tel femme devenait l'une de ces vierges guerrières qu'aucun mâle n'osait approcher sans la craindre. Ils rêvaient en grand, ils rêvaient de fantastiques.
Le monde était plus dangereux ? Étais-ce vraiment une mauvaise chose quand soudain on se sentait plus vivant que jamais ?

Certains esprits chagrins objecteraient que ça l'est certainement pour ceux qui croisent le minotaure, mais ceux là sont du même acabits que les vieux hommes assis sur un banc se rappelant avec nostalgie d'un temps sans voitures, sans utopia, mais surtout sans tout ces jeunes pour vous rappeler votre satané vieillesse.

L'univers aurait sans doute souri s'il avait pu ou s'il était plus qu'une conception trop vaste pour ce genre de choses, car il avait maintenant l'inspiration, l'étincelle et la vie. La pensée exprimée avec conviction, les rêves des hommes devant le merveilleux et la vie que la magie et la mythologie apportaient avec elles.

Le vide pris fin dans un endroit curieux.


~ * ~


Il avait dormit pendant très longtemps et son sommeil n'avait pas toujours été agréable. Il reprit conscience et une sensation de mal être s'empara de lui, un sentiment aiguë de... Ne pas s'aimer lui même. Comment était-ce possible ? Il était un dieu après tout et il en avait la certitude, aussi ancrée en lui que le chêne séculaire dans sa terre. Comment pouvait-il ne pas s'aimer ?
Il ne le savait pas bien sûr, mais c'était parce que ce qui l'avait réveillé, le point de départ, c'était cette pensée qu'il n'existait pas. Et qui venait de quelqu'un qui n'aimait pas non plus les dieux.

La sensation décrût avant de devenir infime et de disparaître. Mais en lui laissant un petit cadeau qui ne partirait pas. Elle lui avait laissé une vision des choses différentes, qui s'était déposée sur lui comme une pellicule et à travers laquelle il allait poser le regard sur le monde.

Il ouvrit alors les yeux sur un ciel bleu. Beaucoup trop bleu. S'asseyant il put voir que le ciel s'arrêtait, où qu'il regardait, au dessus de l'horizon. Troublé, il regarda ailleurs. Il se trouvait dans un champ de fleurs. Elles étaient rouges, bleues ou jaunes, mais toutes avaient un point commun : elle semblaient dessinées par des enfants. C'était d'autant plus étrange que les couleurs de certaines feuilles dépassaient de leur support. Ah, cela lui revenait maintenant.
Il se leva tout à fait et regarda devant lui. Il y avait une maison aux murs un peu penchés. Elle était carrée et avait un toit rouge vif. Les fenêtres étaient trop grandes et rectangulaires, du même bleu que le ciel. Il y avait enfin une porte marron aux proportions faites pour des gens très grand, ou aimant les très grande portes. Ou pourquoi pas les deux ?

Le paysage lui fut à nouveau familier. Il était dans le jardin, devant la maison que dessinaient tous les enfants. Aucun enfant ne rêvait de palais immense, aux arches gothiques travaillées et surmontées de gargouilles peu amènes. Ils rêvaient tous de cette petite maisonnette chaleureuse. Se dirigeant vers cette dernière il y entra.


~ * ~


L'intérieur de la maison était totalement différent de l'extérieur. Ici, dans l'immense hall d'entrée, on s'apercevait qu'on était dans le palais des songes. Des tentures aux couleurs et aux motifs mouvant pendaient aux murs, entre de grandes fenêtres. A l'extérieur, on voyait toujours le champ de fleurs et ce ciel si particulier, comme suspendu à un plafond. Au fond du Hall, entre les deux escaliers courbes montant à l'étage, il y avait un énorme miroir au cadre doré.

S'en approchant, il commença à distinguer ses propres traits.

Il était plutôt grand, avoisinant 1 mètre 90 selon des critères purement humain. Dans l'un de ses souvenirs, il avait les cheveux blonds. Mais il s'agissait en fait de sa précédente incarnation. Cette fois ci, il avait repris sa vraie couleur, celle par laquelle les grecque puis les romains l'avaient représenté : d'un noir profond, celui de la nuit. Ses cheveux lui cascadaient sur les épaules, entourant son fin visage aux traits ciselés. Il avait aussi des yeux d'un beau jaune.
Le dieu arborait une expression calme et amicale, comme une invitation. Mais... Il y avait quelque chose de plus désormais. Comme une légère expression désabusée. Seul un examen poussé pouvait toutefois la déceler.

Perdu dans ses pensées, il entendit soudain un bruissement, venant de quelque part dans le palais. Curieux, il se dirigea vers le bruit. Qu'allait-il découvrir ?


~ * ~


En entrant dans la pièce, le bruissement devint presque assourdissant. L'endroit était rempli de rayonnage. Partout, des livres étaient ouvert devant des plumes et des encriers. Les plumes voletaient comme des oiseaux de bibliothèque, allant de leur encrier aux pages de papier qu'elle noircissaient d'écritures.

Il se dirigea vers un rayon et pris un livre, commença à lire la page de gauche :

« Sur une plage de vacance, il fait beau et chaud. Tout à l'air normal, mais soudain, des nuages viennent cacher le soleil. Le petit garçon joue sur la plage, à côté de sa mère. Il rempli un sceau de sable, le retourne et fait un pâté : il n'a pas mis d'eau. Regardant soudain vers l'océan, il voit une vague gigantesque se soulever. Elle monte, monte encore, jusqu'à toucher les nuages.
Puis finit par retomber alors que son père et son frère reviennent de l'endroit en rigolant, les yeux grand ouvert :

« Vous avez vu la taille de celle là ? » dit le père.

« C'est une lame de fond ! » renchérit le frère... »

Le dieu repose le livre sur le présentoir et se souvient, tandis que la plume reprend son envol et que la page continue de se noircir. C'est la salle des rêves. Dans chaque livre est soigneusement consigné les rêves d'un être vivant, les uns après les autres, à chaque nuit. Même s'il ne s'en souvient pas, il reste archivé ici. Un livre représente une vie de rêve.


~ * ~


Il allait alors sortir de la salle lorsque quelque chose dans la pièce l'interpella. L'un des bruissement lui parut familier, comme ces musiques qu'on a entendu il y a très longtemps,et qu'on entend soudain à nouveau, à travers le brouhaha ambiant. Fronçant les sourcils, curieux, le dieu retourna sur ses pas. Il parcouru les rayonnages, prenant un chemin que lui seul semblait voir. Au bout de quelques minutes, il arriva devant une étagère. Il s'empara sur celle ci d'un livre. La plume reposait pour l'instant dans son encrier. Il s'agissait du tome d'une jeune femme. Elle était éveillée pour l'instant.
En touchant le livre, il eut une autre révélation, celle de son nom. Il était Hypnos, le dieu des rêves des hommes. Mais aussi celui de leurs imaginations et de leurs inspirations. Il était celui qui donnait par les rêves un but, une idée. Parfois même un désir. L'univers n'avait donc pas comblé de vide. Il avait simplement réveillé celui qui l'occupait !

Tout en allant à son bureau afin d'examiner le livre qu'il venait de prendre, il se souvint aussi qu'il haïssait Freud comme son pire ennemi : pour lui, tout ce qui venait des rêves se rapportait au sexe. Quel... Goujat ! Les rêves étaient tellement plus que cela. C'est parce que l'homme rêvait de voler comme les oiseaux qu'il avait inventé l'avion !

Une fois à son bureau, il posa le livre et l'observa, sans l'ouvrir. L'écriture avait ce défaut qu'elle ne parvenait jamais entièrement à retranscrire les sensations, les émotions. Pour cela il préférait donc faire confiance à ses autres sens, à ce qu'il ressentait... Amertume. L'humaine était amère envers les dieux. Et à sa grande surprise Hypnos ressentait la même chose. Pourquoi ?

Parce que la guerre sainte d'Hadès et son Utopia avait tué les rêves des hommes. Parce que ce faisant, il s'était endormit sans qu'il puisse résister. Il se souvenait... L'utopia lui avait paru une bonne idée. Et il avait toujours été fidèle à Hadès. Mais l'utopia avait eut des conséquences inattendues. Et graves. Les rêves, les espoirs des hommes s'étaient mis en dormance.
Il serait toujours fidèle à Hadès même après cela, car le dieu des enfers avait besoin de Dieux qui, dans son entourage, lui permettrait de prendre soin de l'humanité. Mais au final, son Utopia avait mis l'humanité dans ce qu'on ne pouvait qu'appeler un bazar sans nom !

Une autre certitude le frappa de plein fouet. Ils ne devaient pas, eux, les dieux, martyriser l'humanité jusqu'à obtenir d'eux ce qu'ils voulaient. On n'obtenait rien de bon par cette méthode. Il fallait au contraire les accompagner. Les aider à se sublimer, à devenir meilleurs.

Il allait devoir discuter avec Hadès. Hypnos n'était pas un dieu combattant, préférant la réflexion et la discussion pour régler les problèmes. Et... Il allait aussi en parler à son frère, Thanatos. Sans doute ne serait-il pas d'accord, car sa vision des choses différait de la sienne, mais c'était son frère après tout.
Il parlerait en faveur des hommes.

C'est empreint de cette résolution qu'Hypnos ouvrit le livre et en commença la lecture. Beaucoup de choses, sur lui même et sur le monde restait à découvrir.